J’ai été malade…

J’ai été malade à 7 ans d’un lymphome de Burkit en 1998.

J’ai été soignée à Grenoble un an et demi plus tard. Longues ont été ces années.

Et à mes yeux, quasiment aussi dures que celles qui suivent. Je fais partie des cas de rechute, puis d’autogreffe de cellules souches. J’ai aussi perdu la vue pendant une période où j’ai été transférée sur Lyon par hélicoptère face à l’urgence du cas.

En vérité je n’ai pas beaucoup de souvenirs de la période de la maladie.
Je me souviens de quelques membres de l’équipe soignante, des jeux de société avec les infirmières de l’hôpital de jour, de douleurs très fortes accompagnées par des images qui ne s’effacent pas…
Je me souviens de mes parents, qui sont toujours restés près de moi et qui ont même quitté leur travail pour assurer une présence auprès de moi.
Je me souviens de la tonne de documentaires animaliers et de livres sur les animaux que j’ai pu engloutir avec passion. En espérant qu’un jour, je pourrais leur être utile, comme eux l’étaient pour moi par le goût d’évasion qu’ils me procuraient.
Je me souviens surtout de l’association Arc-en-Ciel qui m’avait permis de réaliser mon rêve : rencontrer la troupe de la comédie musicale de Notre Dame de Paris. Garou, Hélène Ségara, Julie Zenatti, Patrick Fiori : un si beau moment qu’ils ont pris le temps de partager avec moi (une première pour moi aussi). J’ai eu la chance de revoir Patrick quelques années plus tard, qui, touché, ne savait pas si la petite fille que j’étais, chauve, squelettique et fatiguée, s’en était sortie. Comme j’aimerais pouvoir leur hurler à tous que je suis toujours là et que cela je n’ai pas oublié.

Je pense que ceux qui ne sont pas passés par là ne peuvent pas comprendre que nos jours de maladie, heureux ou malheureux, guident éternellement chaque choix de nos vies d’adultes aguerris.

Ma scolarité a été interrompue pendant les années hôpital et que même une fois guérie, le retour à l’école a été difficile. Oui, car la différence chez les enfants étant, paraît-il, traumatisante pour les enfants de mon village, les parents d’élèves n’ont pas hésité à empêcher mon inscription dans l’école publique, prétextant que mon apparence choquerait leur enfants, à croire que j’étais contagieuse !
Malgré tout j’ai suivi un an de scolarité dans cette école. De longs mois de solitude !

Aujourd’hui, je suis physiquement guérie.
Guérie, mais rendue stérile par la chimio.
Guérie, mais obstinée dans la vie de tous les jours pour optimiser la survie.
N’ayant pas eu souvent l’occasion de m’amuser comme une enfant, je m’aperçois en grandissant de tout ce que j’ai pu louper, tout ce que j’aurais pu vivre.
Je me sens différente et diminuée parce qu’il a fallu oublier ce qui faisait qu’une femme est une femme pour pouvoir vivre. Je suis hypnotisée par le besoin d’être utile aux animaux comme ils l’ont été pour moi. J’ai été soigneur animalier et suis maintenant en formation dans l’animation pour espérer pouvoir les défendre avec des associations de protection de la nature. Je m’interdis d’échouer.

J’écris ceci car je n’ai jamais pu converser avec des personnes qui savent parler avenir sans parler enfants. Il m’est douloureux d’être en société avec mon compagnon car il y aura toujours cette parole qui tombera dans la conversation.

Tout ce que je sais de cette maladie, c’est qu’elle est ma force. Qu’elle a changé ma vie et que je suis différente depuis cela.

Je m’appelle Émeline, j’ai 25 ans et je suis une Aguerrie.

 

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