Tout au long de ce mois de Septembre en Or, nous vous présentons les membres du Conseil d’Administration de l’association.

Vers la fin de l’été 1967, âgé de 14 ans 1/2, je découvris au toucher une grosseur dans ma joue gauche qui ressemblait à une sorte de kyste roulant sous mes doigts. C’était le début d’un long parcours qui allait me conduire de longues années plus tard au sein des aguerris.
En ayant parlé à mes parents, ceux-ci prirent rendez vous rapidement chez un ORL qui après un long examen, nous indiqua qu’il allait en parler à l’un de ses professeur pour avis mais qu’il faudrait faire des examens complémentaires.
Pour cela je fus hospitalisé à quelques jours de mes 15 ans, à l’Hôpital de Montreuil. Ma grosseur fut enlevée et envoyée pour analyses en laboratoire.
Nous croyions alors que c’était terminé mais un mois plus tard, la grosseur était revenue et les analyses indiquèrent que c’était une tumeur maligne. Je fus envoyé à l’hôpital Saint Louis où je restais une quinzaine de jours pour y subir des prises de sang et une ponction lombaire avant de recevoir 3 injections de ce qui fut une première chimiothérapie.
Après cela je fus transféré dans le service pédiatrique du Docteur Schweisgutt à l’ancien IGR de Villejuif.
Au bout d’une quinzaine de jours dans ce service, j’étais opéré par le Docteur Cachin qui m’enleva ma grosseur ainsi qu’une deuxième trouvée à côté et prépara le terrain pour l’insertion d’un fil de radium en vue d’une radio thérapie.
Le fil de radium fut inséré pour 8 jours à l’intérieur d’un tube de plastique qui ressortait d’un côté sous mon nez et de l’autre au milieu de ma joue, tout cela étant couplé avec une nouvelle chimiothérapie de 5 jours.
Pendant cette période, les personnes qui venaient me voir : médecins, infirmiers ou mes parents devaient s’abriter derrière une sorte de bouclier en plomb très épais sur roulettes et il faudrait prévoir de brûler tous mes vêtements à ma sortie.
Le radium brûla si bien toute la région irradiée que l’intérieur de ma bouche se mit rapidement à suppurer et je ne pouvais plus avaler grand chose.
Ma sœur aînée croyant bien faire m’apportait des jus d’oranges pour me remonter mais ceux ci ne faisaient qu’aviver mes brûlures par leur acidité.
Lorsqu’on m’enleva le radium, je pus me remettre à manger progressivement mais j’avais beaucoup maigri car la chimiothérapie m’empêchant de garder quoique ce soit sur l’estomac et il m’était arrivé de rendre jusqu’à la bile.
Je fus ensuite surpris de voir défiler des équipes de médecins qui parlaient de moi avec leurs étudiants comme si je n’étais pas là et un peu vexé je décidais vite de les ignorer.
Une fois remonté, mon état étant jugé satisfaisant, je sortais début février 1968 de l’IGR avec interdiction de faire du sport par crainte de prendre un coup dans le visage et une surprotection de tous les jours par mes parents qui m’empêcha de vivre jusqu’à ma majorité comme un jeune de mon âge.
Mes parents avaient du mourir d’inquiétude à mon sujet, ce que me confirma ma sœur plus tard, mais ils ne voulurent pas m’inquiéter et ne m’en parlèrent pas trop. Le Noël suivant de peu de jours mon opération à l’IGR fut sinistre car je n’avais pu me joindre à eux.
En 1978, 10 ans après la fin de mon traitement, à l’occasion de ma dernière consultation de suivi à l’ancien IGR, le médecin que je voyais alors me dit seulement que j’avais eu une maladie très grave ce qui est assez drôle car depuis mon entrée à l’IGR je savais bien que j’avais un cancer mais il n’avait pas de nom et ce n’est qu’il y a peu, en consultation de suivi à long terme au nouvel IGR que j’obtins communication de mon dossier médical : j’avais développé un sarcome embryonnaire, et sans doute un rhabdomyosarcome.
Les effets de l’irradiation à long terme provoquèrent sur ma joue gauche pendant de nombreux mois et plus, des croûtes externes qui mirent longtemps à se résorber grâce à des traitements locaux dermatologiques en laissant au final une zone présentant une vascularisation rougeâtre, la formation de brides fibreuses à l’intérieur de ma joue qui rendaient celle-ci rigide et empêchaient à la fois une ouverture en grand de ma bouche et un accès facile pour les soins dentaires dont j’avais besoin épisodiquement.
Avec les années je constatais une asymétrie du maxillaire inférieur, la perte d’épaisseur de ma joue et progressivement la perte de ma gencive supérieure puis des soucis dentaires.
Mon stomato de ville essaya de lutter contre en me faisant des auto-greffes laborieuses et douloureuses pour moi sans obtenir de résultats satisfaisants.
En même temps l’année de “l’accident” de Tchernobyl alors que j’étais en vacances à la neige, est-ce une coïncidence ou pas, je développais une infection au niveau de ma zone irradiée qui finit par créer une fistulisation (trou qui suppurait) mais qui put être enrayée par un traitement antibiotique.
Cela revint plusieurs hivers de suite et finit par disparaître jusqu’à un retour accidentel ces derniers mois.
Ayant dû changer de stomato, ce dernier me demanda de consulter en 2001 au nouvel IGR, pour savoir si préventivement il n’y aurait pas quelque chose à faire dans le cas où j’aurais des problèmes de dents de sagesse ou d’autres complications. J’avais toujours beaucoup de mal à ouvrir la bouche, mais à l’époque on me dit qu’il valait mieux intervenir le moins possible.
En 2013 cela se compliqua car ma gencive étant très dégradée maintenant, j’avais 2 dents qui se déchaussaient et branlaient sur mon maxillaire supérieur gauche.
Je retournais donc au service stomatologie de l’IGR où assez rapidement rendez vous fut pris pour m’enlever ces dents et faire une petite chirurgie préventive car une voie risquait de s’ouvrir vers mes sinus avec un risque d’infection grave.
Lors de la conférence des Aguerris en 2013 un ancien malade me parla d’une radiothérapeute de Saint Louis qui avait mis au point des traitements permettant de régénérer au moins en partie les zones anciennement irradiées. J’allais donc la voir et bien m’en pris car au bout de 2 ans de ses traitement, j’ai maintenant une nette amélioration. L’aspect fibreux intérieur de ma joue a disparu, la gencive semble être en meilleur état et je peux mieux ouvrir la bouche.
Les effets de ma maladie entrainèrent des répercutions dans ma vie d’abord scolaire puis professionnelle et sans doute sociale et affective bien que je m’en rendais peu compte.
Par crainte de perdre une année scolaire, je changeais d’orientation car ayant repris mes études en février 1968, je dus les interrompre en Mai 1968 pour les raisons que l’on sait.
En accord avec mes professeurs et mes parents, mes résultats semblant meilleurs dans les matières littéraires, je fus réorienté dans une section économique à Cachan.
Après l’obtention d’un Bac B, je rentrais à la faculté de Vincennes Paris VIII alors expérimentale où j’allais jusqu’à une licence d’informatique en roue libre, car m’étant beaucoup impliqué parallèlement dans l’entreprise familiale de peinture qui se développait bien avec mon père et mon frère ainé, peu à peu avec ce dernier qui terminait lui aussi ses études, nous décidâmes de reprendre l’entreprise familiale car mon père allait prendre sa retraite.
Ainsi je n’avais pas à m’imposer dans le monde du travail avec ma maladie et tous les obstacles qu’elle générait dans la vie de tous les jours. Je restais dans le cocon familial et protecteur.
Cette maladie bien qu’elle m’incitait à me protéger, stimula par ailleurs mon envie de vivre des sensations fortes et renouvelées après avoir craint le pire.
L’année de mon bac, en 1971, un ami m’ayant proposé de faire pendant mes vacances, un stage d’initiation au parachutisme avec l’UCPA, je prenais le risque et sautais sur cette occasion qui me donna l’impression de vivre à 200 % pendant cette expérience exaltante.
Par la suite je commençais au cours des étés suivants, une initiation à la voile puis à la croisière en mer.
J’y retrouvais des sensations fortes mais aussi un risque calculé me permettant de gérer mon environnement au sein d’une nature exceptionnelle.
Quelques années plus tard je m’initiais à la planche à voile puis à la plongée sous marine.
Je me perfectionnais aussi dans la pratique du ski pour avoir la chance de sortir des pistes et découvrir des paysages fabuleux et vierges.
Enfin ayant rencontré des amis qui couraient, je commençais à m’entrainer avec eux et pu terminer sans rougir le marathon de paris après quelques mois d’efforts.
Par la suite je me lançais dans de grands voyages, vers des pays où la nature est reine tels le Canada, les USA et l’Australie où je retournais à plusieurs reprises vue leur étendue.
Au contraire sur le plan affectif, étant de caractère un peu introverti et plutôt timide, la maladie avec ses séquelles apparentes sur mon visage m’incita à ne pas trop côtoyer de monde.
Etant le dernier d’une famille de 5 enfants avec des parents âgés, je restais à leur domicile car d’une part, mon occupation professionnelle plutôt administrative avait lieu sur place la plupart du temps, mais je pouvais en même temps m’occuper d’eux, ce que je fis jusqu’à la fin.
Ayant rencontré en randonnée avec des amis, ma future femme Françoise, quelques mois seulement avant le décès de mon père, je ne quittais ce domicile que peu de temps avant le décès de ma mère qui ne pouvait plus rester chez elle.
Cela fait plus de 50 ans maintenant que j’ai eu mon cancer et en dehors de mes ennuis dentaires qui reviennent un peu en ce moment, je me porte bien et j’essaye de vivre sainement en mangeant bio, équilibré et en faisant toujours du sport.
Avec ma femme Françoise, comme moi à la retraite, nous faisons toujours des voyages et nous nous épaulons car la famille est une force.
Si je n’avais pas eu cette maladie, ma vie aurait peut-être été différente mais je ne le regrette pas car elle m’a donné quand-même beaucoup de satisfactions et surtout l’envie d’en jouir au maximum possible malgré cette maladie.
Au début de ma maladie j’avais rêvé de devenir docteur ou chercheur pour combattre la maladie qui peut tous nous atteindre à tout moment. Il s’est trouvé que je n’étais pas assez doué en math ou motivé pour faire ce type de carrière mais toujours curieux de tout et cherchant à comprendre ce qui m’entoure ou m’arrive. Quand on m’a proposé de joindre les Aguerris, j’y suis allé pour satisfaire cette curiosité mais au fur et à mesure des réunions, je me suis rendu compte qu’il y avait encore beaucoup de choses à faire pour améliorer le sort de tous les anciens jeunes malades. Qu’ils ne pouvaient pas être lâchés dans la nature sans un suivi scrupuleux et que ce suivi n’existait pas à l’échelle de notre pays. Il y avait donc un combat à mener et je me suis résolu à rejoindre le CA des Aguerris pour joindre mes forces à ceux, trop peu nombreux encore qui en faisaient parti. J’aide du mieux que je peux ou du temps dont je dispose l’association et c’est entre autre un moyen de rendre à la société une partie de ce qu’elle m’a donné.